lundi 14 octobre 2013

Esquisse blues

Elle s'avance dans la nuit sèche des contrées désertiques. Sa botte fait crisser le gravier sous elle. On entend le hululement d'une chouette, le froissement d'un buisson d'amarante. Non loin, les éclats d'un banjo, la mélopée d'un blues à la voix d'airain, de cristal, de bois de grève léché et reléché par les marées. Ses jambes nues et fortes brillent à la lune. Elle porte un vieux jeans élimé et fort raccourci, les bottes que nous mentionnions, un vieux chapeau à la visière mainte fois tordue en place, une souple couverture de laine en guise de manteau. Une paire de gant de cuir marque la cadence de sa marche. L'incandescence d'un mégot de cigarette décrit une parabole hachée, seule couleur chaude dans tous ces bleus et ces bruns. Elle a, bien sûr, une guitare au dos, quelque chose à accorder.

Ce sont des contrées que l'on traverse, nul port d'attache ici. Elle l'a laissée dans sa chambre, languissante, tissant la tapisserie de son attente. Des paysages de sable, de maigres coyotes solitaires, de lézards qui ont sûrement compris quelque chose à fixer ainsi le vaste horizon. Le goût du whisky se rappelle sur ses lèvres sèches.

Elle est seule, elle a tout son silence, une arme, du moonshine de contrebande dans une flasque tiédie au contact de la chair dans la tige de sa botte droite.

Elle peut faire un feu de camp ou rejoindre les musiciens.

Son cuir sent. Comme il se doit.

Elle se rappelle la douceur de cette oreille d'âne, les yeux émouvants du baudet. Oh elle est loin, la ferme familiale, les poules dodues qui piaillent, la mère et son tablier rosâtre, le père et son chiendent à la gueule, les grandes bourrasques de poussière. Les galettes chaudes de maïs ou de sarrasin selon la saison, cuites à même la fonte du poêle. Ragoût d'écureuil, d'opossum, de venaison prise non loin.

Sur ses lèvres sèches, le goût du whisky. Quelque chose dans la gamelle serait un bienfait.

À suivre?

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